Saison 3: 2018-2019, Soirées Amis des Amis du Rhum

S3 E4: De Tahiti aux Fidji

couverture

Avant de lancer cette saison 3 j’avais réalisé un petit sondage parmi les participants sur les thèmes qu’ils aimeraient voir abordés. Le grand vainqueur des propositions était un thème permettant de découvrir les rhums de l’Océanie.

Du coup, première séance de 2019: partons à l’autre bout du monde, quittons le froid et la pluie européenne et prélassons-nous sous les cocotiers, un verre de bon rhum à la main 🙂

La découverte se fera en deux temps: d’abord avec 4 rhums tahitiens, tous agricoles, 3 blancs et un ambré. Nous irons ensuite aux îles Fiji avec 4 rhums également mais ceux-ci tous de mélasse et tous vieux. C’est parti pour une soirée aux antipodes!

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Tahiti

Lorsque l’on parle de Tahiti vu de métropole, on englobe toutes les îles des archipels de la Polynésie française. Cet abus de language fait qu’on ne connait que rarement les autres îles, même les principales. Du coup notre soirée a commencé par un petit cours de géographie locale, histoire de situer les îles dont on allait parler, à savoir Tahaa, Moorea, Rangiroa et bien sûr Tahiti elle-même.

1 – Manutea – 50%

Nous débutons avec cette première distillerie, Manutea, installée à Moorea et dont les cannes sont plantées sur l’île voisine de Tahaa. Comme pour le rhum suivant la canne est de la variété O’Tahiti, variété ancestrale locale. La distillation se déroule dans un alambic discontinu Holstein, lequel est équipé d’une colonne de rectification, en cuivre également.

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Visuel

Le rhum est cristallin, avec de fines larmes.

Nez

Le profil est frais, à la fois végétal, floral et légèrement citronné. Une pointe de réglisse vient relever la canne fraîche pour mieux révéler quelques effluves de fruit en arrière plan, de l’abricot notamment (plus présent sur le verre vide d’ailleurs). C’est relativement gourmand.

Bouche

Les impressions sont cohérentes avec celles perçues au nez: de la canne fraîche et de la réglisse, auxquelles viennent s’ajouter une touche de poivre. Sur la longueur viennent les touches de citron, de poire et même de fumée légère.

2 – Trhum Taha’a récolte 2017 – 55%

Nous enchaînons (et même comparons puisque les deux premiers rhums sont servis en même temps) avec cette production d’une autre distillerie implantée elle directement sur l’île de Tahaa, à proximité des plantations donc. Même canne et même île que le précédent, cependant l’alambic diffère fortement puisque les rhums Tahaa sont distillés sur un Alambic de type Müller, semblable à ceux utilisés pour les fameux « Rhum Rhum Libération » ou même les eaux-de-vie de Gianni Capovilla.

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Visuel

Les larme sont ici plus épaisses et lentes que le Manutea. Le « gras » est perceptible au premier regard.

Nez

Dès le premier contact la comparaison est flagrante: l’impact de l’alambic sur ces deux rhums est énorme! Les deux profils n’ont rien à voir et ce Taha’a est principalement marqué par le solvant, des notes de souffre, de foin également. Un vrai profil « à la Clairin » surprenant. On y retrouve aussi du pamplemousse et une légère acidité. Vraiment surprenant tant il est à l’opposé du Manutea précédent!

Bouche

De nouveau la bouche est cohérente avec le nez : le rhum est « sauvage », c’est à dire iodé, terreux, soufré. Viennent tout de même s’y joindre des notes d’agrumes et de la réglisse, qui au final seront sans doute celles qui resteront le plus longtemps en bouche après la dégustation.

3 – Mana’O Rangiroa récolte 2017 – 48,5%

Direction maintenant LA distillerie emblématique tahitienne, la plus souvent représentée et la plus connue aussi. En effet quand on parle de rhum tahitien, le premier nom qui sort c’est Mana’O et on pense directement à leur cuvée à 50%, étiquette noire et blanche. Si vous ne le connaissez pas vous pouvez foncer les yeux fermés, c’est très bon, c’est certifié Bio, les cannes poussent sur Taha’a et Tahiti et sont distillées dans l’alambic Holstein discontinu en cuivre, lequel est équipé d’une colonne de rectification.

Mais aujourd’hui nous goûtons la version « Rangiroa » de chez Mana’O, qui est réalisée à partir des cannes plantées sur deux parcelles de l’île Rangiroa (archipel des Tuamotu). Le terroir est donc complètement différent (une île volcanique pour Tahiti contre une longue bande de sable blanc pour Rangiroa) mais c’est toujours certifié bio, toujours travaillé de la même façon et nous sommes ici face à une récolte 2017.

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Visuel

De nouveau le verre est évidemment cristallin. Les larmes sont larges et rapides, pour une sorte d’hybride entre les visuels des deux premiers rhums de la soirée.

Nez

Ce qui frappe en premier c’est le côté frais et floral de ce rhum. Vient ensuite un profil plus « gras », beurré, presque sucré/miéleux aussi. Les épices se payent une bonne part du profil derrière la canne: du poivre, de la réglisse (encore) et du genièvre.

Bouche

Au contact en bouche c’est une déception: nous l’avons tous les trois trouvé « plat », c’est à dire trop peu expressif. On y retrouve quand même, mais le tout sous forme de légères notes, du poivre, de la canne, une pointe de citron, un peu d’amertume, du noyau de cerise et même du menthol. Ce côté « délicat » du profil rend du coup son taux d’alcool plus présent, laissant penser à une mauvaise intégration. Bref, pas un coup de coeur. Est-ce qu’on en attendait trop? Peut-être mais tout de même, les avis vont principalement dans ce sens là parmi les participants 😦

4 – Mana’O Ambré – 43%

Les rhums vieillis se font rare actuellement parmi les rhums tahitiens, mais cet ambré de chez Mana’O fait un peu figure de pionnier. Conformément à ce que l’on attend d’un « Ambré », nous sommes face à un rhum ayant vieilli entre 12 et 18 mois en fût de chêne français.

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Visuel

Pas de doute permis, on est ici face à un « élevé-sous-bois ». La robe est Or pâle, très peu marquée par le bois. Les larmes sont fines et lentes

Nez

On sent au nez la filiation avec le précédent. Aucune info sur le rhum blanc qui a servi à réaliser cet ambré, même si on peut supposer qu’il s’agit du Mana’O 50% classique, mais la trame de la distillerie est présente. C’est tout de suite plus rond que les trois blancs précédents, titrage et passage en bois oblige. Les notes sont tour à tour beurées, poivrées, boisées et sur les agrumes. On y retrouve aussi un côté « amande », limite massepain même.

Bouche

De nouveau ce n’est pas hyper expressif et donc quelque peu décevant. La canne est présente au palais mais plutôt par son côté sucré, presque mélasse. Se joignent au profil des agrumes, un peu de miel et de l’orange. Dans la finale, courte, on parvient à retrouver un côté plus confit de l’orange et même une pointe d’ananas. Le boisé est discret, presque trop. Bref, deux déceptions pour Mana’O, il faudra qu’on retourne à leur 50% classique pour se réconcilier avec la distillerie…


Fiji

Ce petit tour non-exhaustif des rhums tahitiens terminé, cap à l’Est, direction Fiji et sa « South Pacific Distillery ». Ici les informations sont beaucoup plus compliquées à trouver à propos des installations mais on sait tout de même que la distillerie traite de la mélasse qu’elle peut distiller soit en colonne, soit en « Pot Still ». Attention: Fiji est une destination à la mode actuellement et il y a largement de quoi faire dans les embouteillages. Nous allons néanmoins goûter 3 valeurs sûres et un embouteillage accessible, histoire de mieux cerner le « profil fijien ».

5 – Plantation Fiji 2009 – 44.8%

Nous commençons pas cet embouteillage de Plantation qui sera une bonne porte d’entrée dans les rhums fijiens, et qui plus est est trouvable facilement pour une cinquantaine d’euros en ligne. Il s’agit d’un assemblage de distillat de colonne et de Pot Still d’après l’étiquette et après 7 ans de vieillissement à la distillerie il a passé 2 ans à vieillir à Cognac dans les chais de la maison Ferrand.

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Visuel

Le rhum est d’une belle couleur or, les larmes sont fines et lentes.

Nez

On sent directement l’influence de la finition en fût de Cognac « made in Ferrand ». Le profil est fruité avec de la pêche, de l’abricot, du coing, de la noix de coco et de la banane verte. À côté de ça on retrouve les marqueurs typiques fiji avec un côté grillé/fumé, mêlé aux fruits à coques, ainsi que des arômes de mélasse. C’est rond et expressif à la fois.

Bouche

La bouche est comme le nez, ronde et expressive à la fois. L’attaque est douce, sirupeuse, sans doute sous l’influence de la « Ferrand’s touch » mais sans non plus que ce ne soit excessif. Les arômes sont issus de fruits exotiques mûrs, mêlés à de l’amande et du raisin. Le boisé est léger et se mélange aux effluves de vernis, de muscade et de mélasse. une légère amertume se marque par moments, faisant penser à un zeste de pamplemousse. 

6 – TCRL Fiji 2009 – 57.2%

Passons ensuite à cette première référence lorsque l’on parle de rhums fijiens: ce bel embouteillage de la TransContinental Rum Line, la marque d’embouteillage indépendant lancée par La Maison du Whisky il y a quelques années. Le vieillissement est ici à l’opposé de celui du Plantation puisque le rhum a passé une petite année à la distillerie avant de passer 7 années supplémentaires en Europe. +

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Visuel

Le rhum est très peu coloré, comme s’il n’avait passé que quelques mois en fût. Les larmes sont fines et lentes.

Nez

La filliation avec le précédent est compliquée. On sent que c’est un fiji mais en même temps il diffère assez fort. Le nez est à la fois fruité et épicé, avec de la vanille et du citron d’un côté et du piment, du menthol, du camphre et de la réglisse de l’autre. Les fruits exotiques font leur apparition ensuite avant de laisser la place finale à l’olive, mêlée d’un côté patissier/beurré.

Bouche

Dès la première gorgée on est sur quelque chose de bien plus expressif que ce que le nez pouvait laisser supposer. Le fruit est mûr et grillé, voire brûlé. Les épices sont présentes (camphre), ainsi qu’un côté herbacé. Les fruits sont exotiques, avec un peu de fruits rouges et même de citron et d’orange amère. Quelques fruits à coques viennent complèter le tableau.

7 – Samaroli Fiji 2001-2016 – 45%

Attaquons maintenant l’un des deux mastodontes du line-up: le Samaroli 🙂

Cet embouteilleur italien sort pas mal de choses, souvent à des prix surévalués par rapport au contenu, mais parfois en mettant dans le mile. C’est le cas de ce fijien qui a veilli 14 ans avant l’embouteillage. Mais passons directement au vif du sujet: le verre!

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Visuel

Le rhum est d’un bel or, on voit ici les marques du fût et du temps. Les larmes sont fines et lentes.

Nez

Là on attaque les choses sérieuses dans le profil fijien. Le nez met tout le monde d’accord, on vient de franchir un palier. C’est puissant et expressif malgré le faible titrage. On retrouve une belle corbeille de fruits avec du fruit rouge (framboise, cassis, mûre) mais aussi de la banane verte et de la pêche. Il y a aussi un côté très floral avec du jasmin et de la fleur d’oranger. Et comme si ce n’était pas assez on y retrouve également un côté vineux, une pointe d’arômes pâtissiers (frangipane), une pointe de camphre, de fumée et de solvant aussi. Bref ça part dans tous les sens mais c’est bien structuré. Un vrai plaisir.

Bouche

Après ce nez enjôleur place à la bouche avec là aussi une multitude d’arômes, même si c’est un rien plus sage. On retrouve des fruits rouges et de la pêche, comme au nez, mais aussi du citron et du pamplemousse. le côté amandes/frangipane est toujours présent aussi, tout comme les épices et le côté mélasse et fumée. La réglisse et la vanille font une apparition remarquée, une pointe de menthol également. C’est gourmand et fourni, un bouquet dont on ne se lasse pas et d’une longueur remarquable pour un rhum réduit à 46%!

8 – Cave Guildive Fiji 2001 – 58%

Last but not least, direction la Suisse avec cet embouteilleur indépendant helvétique qui a aussi le don de nous sortir des pépites mais en « high proof » plutôt qu’en version réduite. Nous nous retrouvons ici avec un Fiji 2001 (comme le Samaroli), vieilli 15 ans (comme le Samaroli aussi) en fût de Bourbon et embouteillé à 58%. Voyons voir la différence que le degré d’embouteillage peut apporter à ce rhum par rapport au précédent.

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Visuel

Encore une fois le rhum est d’une belle couleur or avec quelques reflets cuivrés. Les larmes sont identiques au Samaroli, fines et lentes.

Nez

Le profil est cohérent avec celui du rhum précédent, tout en se démarquant suffisamment pour ne pas les confrondre. Les fruits sont devenus exotiques, avec de l’ananas flambé en tête. Une touche de pruneaux est aussi présente, alourdissant légèrement le profil. Pour accompagner ces fruits nous retrouvons le côté patissier (frangipane), le solvant et la mélasse que nous trouvions aussi dans le Samaroli. S’y joignent un côté toasté plus marqué, ainsi qu’une touche de miel et un boisé léger.

Bouche

Directement on sent la différence de titre alcoolique. La douzaine de % en plus se fait remarquer et le rhum est puissant et lourd. Exit le côté patissier, les fruits et la mélasse sont présents en masse. La pêche tire son épingle du jeu pour se faire remarquer tout au long de la dégustation, le tabac, le cuir et le sucre cuit font aussi des apparitions. Une petite acidité toute jamaïcaine nous rappelle l’ananas du nez. La finale est toujours marquée par la pêche, accompagnée de mélasse et d’une pointe de menthol qui vu sa fréquence ce soir en devient caractéristique. On en vient à se dire qu’avec quelques % d’alcool en moins on aurait sans doute eu un rhum époustouflant, avec un peu plus de finesse et d’élégance sans perdre pour autant la longueur.


Conclusion

Cette soirée était très attendue par les participants car tant les rhums tahitiens que les rhums fijiens ne sont pas des plus courants et donc pas les plus connus. Pour Michaël cette escapade est une vraie découverte d’une culture du rhum ancestrale et pourtant bien méconnue des non-initiés. La gamme présentée ce soir dévoile une palette d’arômes frais, fruités, mais aussi épicés, chauds. Dans tous les cas, des choses agréables, avec un beau mix de l’agricole et de la mélasse.

Cédric L avait envie depuis un moment de tester les rhums de Tahiti, c’est chose faite. Force est de constater qu’aucun des 4 ne lui a mis une claque. Il ne reste plus qu’à goûter le Mana’O 50% qui semble rester le maître-achat de ces îles. Le voyage dans les îles Fiji fut aussi bien sympa, le Samaroli sortant du lot, suivi de près par le Cave Guildive. Enfin pour Cédric Sip, les deux mana’o ont été une déception, finalement en-dessous des Manutea et Taha’a, alors qu’en dégustation frontale le Mana’O classique 50% l’avait emporté. Par contre LE coup de coeur de la soirée est pour ce Samaroli, une merveille à un titre abordable. Côté rapport qualité/prix en revanche, la découverte est pour le Plantation, qui pour un budget plus qu’abordable offre un rhum de qualité et avec du caractère.Prochain rendez-vous des Amis des Amis du Rhum le 22 février pour une soirée haute en couleurs puisque nous accueillerons Florent Beuchet pour une masterclass à travers la gamme de la Compagnie des Indes!

Bonus : Blackadder 2009 – 62.4%

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Visuel

D’une couleur or pâle, on retrouve ici un rhum peu marqué par le fût. Les larmes sont fine et rapides.

Nez

Le nez est peu expressif, un peu dans la gamme de celui du TCRL. On retrouve un nez herbacé avec du solvant, des fruits exotiques et blancs. Une note patissière rappelle le pain grillé également. Un profil un peu trop alcooleux au goût de Cédric Sip.

Bouche

Le rhum est vif en bouche, pas de doute, les 62% sont bien là. D’entrée on en vient à se dire qu’une légère réduction aurait sans doute été bénéfique. Malgré cela la dégustation révèle des notes de mélasse bien grillée, limite brûlée. Elle est suivie par des touches de miel, de vanille et quelques fruits (agrumes, bananes). La finale est logiquement plutôt longue, sur la fumée, les fruits et le camphre.

 

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